Le droit communautaire protège les personnes victimes de discrimination par association

Publié le par octapeh

Par un arrêt rendu sur une question préjudicielle le 17 juillet 2008 (Aff. n°C-303/06), la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a admis pour la première fois le principe de la discrimination par association, en considérant que "l'interdiction de discrimination, énoncée dans la directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, n'est pas limitée aux seules personnes handicapées", mais peut être invoquée, comme en l'espèce, par une salariée qui, sur son lieu de travail, subit une discrimination fondée sur le handicap de son enfant.

Les faits :
Dans cette affaire, une salariée a été contrainte de démissionner après avoir donné naissance à un enfant handicapé, lequel réclamait des soins constant et la présence de celle-ci à ses côtés. Estimant avoir été victime d'un licenciement implicite et d'un traitement moins favorable que celui réservé aux autres employés, en raison du fait qu'elle avait la charge principale d'un enfant handicapé, elle a assigné son ancien employeur en justice pour discrimination illicite.
Elle prétend que ce traitement l'a contrainte à cesser de travailler pour son ancien employeur. A l'appui de sa demande, elle met en avant différents faits constitutifs selon elle d'une discrimination ou de harcèlement dans la mesure où dans des circonstances similaires, les parents d'enfants non handicapés étaient traités différemment. Elle évoque notamment le refus de son employeur de la réintégrer lors du retour du congé de maternité dans l'emploi qu'elle occupait, le refus de bénéficier d'une souplesse horaire et des commentaires déplacés et insultants à l'encontre tant d'elle-même que de son enfant.

Question préjudicielle :
Le juge britannique compétent dans cette affaire a adressé à la CJCE une demande d'interprétation du droit communautaire, afin de savoir si la directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail pouvait être interprétée en ce sens qu'elle interdit la discrimination directe fondée sur le handicap et le harcèlement lié à ce dernier, à l'encontre d'un employé qui est lui-même handicapé mais également à un employé, victime d'un traitement défavorable en raison du handicap dont est atteint l'enfant auquel il prodigue l'essentiel des soins.

Position de la CJCE :
Pour la Cour de justice européenne, la directive (n°2000/78/CE) du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que l'interdiction de discrimination directe qu'elle prévoit n'est pas limitée aux seules personnes qui sont elles-mêmes handicapées.
Lorsqu'un employeur traite un employé, n'ayant pas lui‑même un handicap, de manière moins favorable qu'un autre employé ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, et qu'il est prouvé que le traitement défavorable dont cet employé est victime est fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l'essentiel des soins dont celui-ci a besoin, alors le traitement subit est contraire à l'interdiction de discrimination.
En outre, la directive de 2000 doit être interprétée en ce sens que l'interdiction de harcèlement qu'elle prévoit n'est pas limitée aux seules personnes qui sont elles-mêmes handicapées.
Lorsqu'il est prouvé que le comportement indésirable constitutif de harcèlement, dont un employé n'ayant pas lui-même un handicap est victime, est lié au handicap de son enfant, alors un tel comportement est contraire à l'interdiction de harcèlement.
Concernant la charge de la preuve, la Cour estime que si la salariée établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe, alors la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité de traitement exige que la charge de la preuve pèse sur l'employeur, lequel devra alors prouver qu'il n'y a pas eu discrimination.

Portée de la décision :
Par cet arrêt, la CJCE admet pour la première fois l'interdiction de pratiquer une discrimination ou un harcèlement indirect, par association ou par ricochet.
Le droit communautaire, comme toute législation interdisant les discriminations et le harcèlement tant moral que physique, protège l'employé dont l'enfant est handicapé, mais il pourrait aussi bien concerner un employé victime de discrimination en raison de l'homosexualité d'un de ses enfants, un locataire marié à une personne de nationalité et couleur de peau différente en terme d'accès au logement, etc.

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