La diversité et l’égalité des chances passent aussi par les marchés publics

Publié le par octapeh

Miser sur la jeunesse, promouvoir la diversité et lutter contre les discriminations, mettre en oeuvre "un new Deal" pour les politiques de la ville... Pour atteindre ces objectifs, Yazid Sabeg propose, dans un rapport remis le 7 mai au président de la République, quelque 76 actions concrètes qui pour une part font appel au levier de la commande publique.


Le contexte
 
Le dernier recensement – lacunaire – des marchés publics notifiés en 2007 par l’ensemble des collectivités publiques (Etat et collectivités territoriales) indique un montant d’achats de 55 G€. La commande publique constitue donc un puissant levier pour encourager l’insertion professionnelle de publics en difficulté ainsi que la diversité en entreprise.
 
Les 55 G€ mentionnés plus haut intègrent de l’ordre de 10 G€ d’achats courants réalisés par l’Etat. Le reste de la commande étatique (26 G€) concerne des achats de travaux et des achats dits de « métiers ».
 
En tout état de cause, la puissance publique dispose de la capacité juridique et opérationnelle pour contribuer à l’insertion professionnelle des publics en difficulté par le biais de la politique d’achat. Elle pourrait aussi exiger, sous certaines conditions, notamment pour la réalisation des marchés publics les plus importants, que les entreprises soient titulaires du label diversité.
 
 
L’insertion des publics en difficulté grâce à l’achat public
 
L’article 5 du code des marchés publics impose aux pouvoirs adjudicateurs, préalablement à la passation des marchés, de déterminer précisément leurs besoins et de tenir compte des objectifs de développement durable et de progrès social. Il résulte de l’article 14 du même code que « [l]es conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social ».
 
Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l’article 26 de la directive communautaire 2004/18/CE du 31 mars 2004, aux termes desquelles « les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des conditions particulières concernant l'exécution du marché pour autant qu'elles soient compatibles avec le droit communautaire et qu'elles soient indiquées dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges. Les conditions dans lesquelles un marché est exécuté peuvent notamment viser des considérations sociales et environnementales ».
 
La même directive précise que « les conditions d'exécution d'un marché sont compatibles avec la présente directive pour autant qu'elles ne soient pas directement ou indirectement discriminatoires et qu'elles soient annoncées dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges. Elles peuvent notamment avoir pour objet de favoriser la formation professionnelle sur chantier, l'emploi de personnes qui connaissent des difficultés particulières d'insertion, de lutter contre le chômage ou de protéger l'environnement. Citons à titre d'exemple, les obligations – applicables à l'exécution du marché – de recruter des chômeurs de longue durée ou de mettre en oeuvre des actions de formation pour les chômeurs ou les jeunes, de respecter en substance les dispositions des conventions fondamentales de l'organisation internationale du travail (OIT) dans l'hypothèse où celles-ci n'auraient pas été mises en oeuvre dans le droit national, de recruter un nombre de personnes handicapées qui irait au-delà de ce qui est exigé par la législation nationale ».
 
Les acheteurs publics peuvent donc aisément et librement fixer, parmi les conditions d’exécution des marchés publics, des exigences relatives à l’insertion de publics en difficulté. À ce titre, ils devraient intégrer des clauses en faveur de la diversité notamment par l’insertion de personnes éloignées de l’emploi, et singulièrement des habitants des zones urbaines sensibles.
 
Action 40 : Demander à l’institut de gestion publique et de développement économique du ministère des finances et au centre national de formation de la fonction publique territoriale de délivrer une formation aux responsables administratifs susceptibles de conclure des marchés qui intègrent des clauses sociales.
 
Le recours à la clause d’insertion devrait être systématiquement signifié aux collectivités territoriales par l’Etat lors de la négociation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) avec les collectivités locales. La circulaire qui encadrera la négociation des futurs CUCS en 2009 devrait comporter un rappel détaillé pour la mise en œuvre de cette clause. Les collectivités territoriales qui recourraient à ces clauses, considérant la structure de leurs achats, pourraient dépasser l’objectif que l’Etat s’est fixé dans le domaine des achats courants.
 
Action 41 : Utiliser les CUCS, dont le renouvellement est prévu cette année, pour systématiser les clauses d’insertion dans les marchés conclus par les collectivités territoriales.
 
 
Fixer des objectifs en matière d’achats courants
 
Une circulaire du 3 décembre 2008 signée du Premier ministre incite d’ores et déjà les services de l’Etat à l’exemplarité en faveur du développement durable. Elle précise que 10% des marchés d’achats courants qui incluent 50% de main-d’œuvre devront comporter des clauses d’insertion.
 
Les clauses d’insertion ont un effet positif sur l’emploi, avec un taux de création d’emploi durable qui peut atteindre jusqu’à 50%.
 
Action 42 : Confier à l’observatoire économique de la commande publique le suivi de la mise en oeuvre des clauses d’insertion et des progrès réalisés en s’appuyant sur les délégués du préfet et les acteurs locaux de l’insertion (PLIE, missions locales, etc.).
 
 
Fixer des objectifs en matière d’achat de travaux
 
La clause d’insertion introduite dans les conventions conclues par l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) est un exemple réussi qu’il convient de généraliser.
Les crédits consentis par l’ANRU sont d’ores et déjà assortis d’une clause d’insertion qui impose de réserver 5% des heures travaillées sur un chantier de rénovation aux résidents du quartier en situation de chômage ou d’exclusion. Cette disposition a d’une part un effet direct sur l’emploi dans le quartier concerné. Plus largement, les collectivités territoriales peuvent être conduites à étendre la clause à l’ensemble de leurs marchés.
 
S’agissant des marchés de travaux de l’Etat, une première mesure rapide à mettre en oeuvre serait de généraliser et à activer les clauses adoptées par l’ANRU pour ses besoins propres à la commande des autres opérateurs de l’Etat, y compris France-Domaine.
 
Un groupe de travail sur les impacts sociaux de la commande publique a été constitué au sein du groupe d’étude des marchés « développement durable – aspects sociaux », auquel participera le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances.
 
Action 43 : Pour les marchés de travaux, généraliser après les avoir adaptées, les clauses sociales définies par l’ANRU pour ses besoins, aux opérateurs de l’Etat et prioritairement par France-Domaine. Fixer des objectifs quantitatifs en termes de marchés concernés.
 
 
Promouvoir le label diversité grâce à l’achat public
 
En l’état actuel du droit communautaire, les adjudicateurs ne peuvent exiger, pour l’admission des candidats à l’attribution des marchés publics, la détention du label diversité (Cf. partie II-3.3) ou le respect d’engagements en matière de diversité.
Aucune disposition légale ne l’a prévu ni pour les dispositions relatives aux capacités techniques et professionnelles des candidats, ni pour celles relatives aux normes de garantie de la qualité.
 
Les acheteurs publics ne peuvent donc pas fixer d’exigence de cette nature parmi les critères d’attribution des marchés, au nombre desquels figure seul le critère lié aux performances du candidat en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté. Il convient par ailleurs de rappeler que le respect d’engagements de diversité ne peut relever des spécifications techniques du marché, qui portent exclusivement sur la nature et les caractéristiques des prestations commandées.
 
A contrario et au titre de l’article 14 du code des marchés publics, les acheteurs disposent de la faculté de fixer, parmi les conditions d’exécution des marchés publics, le respect d’engagements en matière de diversité. La détention du label diversité pourrait compter parmi ces conditions, sous réserve qu’aucune discrimination ne soit introduite entre les candidats.
 
Il convient à cet égard de relever que la norme française d’attribution du label diversité n’est pas aujourd’hui établie comme une norme européenne.
 
Action 44 : Inviter l’AFNOR à poursuivre les efforts en faveur de la normalisation de la diversité en entreprises au sein du comité européen de normalisation puis dans le cadre de l’ISO.
 
 
De plus, pour des marchés de faible montant, l’exigence de ce label pourrait être discriminatoire à l’endroit de certaines PME, considérant les coûts afférents à la démarche de certification.
 
Le code des marchés publics et les directives communautaires relatives aux marchés publics ne permettent pas que la détention du label ou le respect d’exigences de diversité dans l’entreprise soient retenues par les acheteurs publics lors de l’attribution des marchés et accords-cadres.
 
Une modification en ce sens du code des marchés publics et des autres textes qui réglementent la commande publique ne peut être envisagée que dans la mesure où elle deviendrait compatible avec le droit communautaire. Une modification des directives « marchés publics » devrait donc être envisagée à court terme.
 
Néanmoins, la détention du label diversité ou le respect des exigences dont il procède pourrait constituer une condition d’exécution des marchés publics les plus importants, sous réserve de vérification au cas par cas du respect du libre et égal accès à la commande publique et à la condition que les opérateurs puissent satisfaire aux exigences du pouvoir adjudicateur. Les engagements du titulaire du marché devraient être contrôlés, en particulier si celui-ci n’est pas détenteur du label diversité ou s’il ne s’est pas engagé dans cette démarche au cours de l’exécution du marché.
 
Action 45 : Pour les marchés publics de l’Etat les plus importants et sous réserve du respect du libre et égal accès à la commande publique, les acheteurs inciteraient les entreprises contractantes à obtenir la délivrance du label diversité en cours d’exécution du marché, s’ils n’en bénéficient pas déjà. Le service des achats de l’Etat et la direction des affaires juridiques du ministère des finances établiraient une circulaire à destination des acheteurs publics.
 
 
En savoir plus : accéder à l’intégralité du rapport (source)

Publié dans société

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