« Le plus grand ennemi du handicap, c’est l’ignorance et la peur des autres »

Publié le par octapeh

Parce qu’ONG rime avec professionnalisme, les membres d’Inclusion (Mauritius), qui œuvrent pour les personnes en situation de handicap intellectuel, se forment régulièrement. Ils ont reçu des attestations de formation en français oral et écrit. Irène Alessandri fait le point sur ce handicap.

Vous êtes la présidente d’Inclusion Mauritius, et vous êtes aussi la directrice de l’APEIM. Comment avez-vous été amenée à vous intéresser à cette cause ?

C’est quelque chose qu’on a en soi et qu’on ne peut pas toujours expliquer. Sans doute que tout a commencé par une sensibilité familiale, j’ai un cousin trisomique. C’est un peu le cas de beaucoup de gens qui travaillent dans ce domaine. Il y a une rencontre et là, soit ça passe soit ça casse.

J’ai étudié la psychologie et quand je suis revenue, j’ai travaillé pendant dix ans comme psychologue à l’APEIM, avant de devenir directrice. Je dois aussi dire que l’APEIM est membre d’Inclusion International depuis 1970.

Justement, pourquoi avoir regroupé seize ONG dans une fédération ?

En tant qu’ONG militant pour la même cause, on ressentait un besoin de s’organiser, de construire ensemble. On s’est regroupé et on s’est affilié à Inclusion International qui compte 120 fédérations du monde qui œuvrent pour les personnes qui souffrent du handicap intellectuel. Nos objectifs sont d’œuvrer pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées, de partager nos expériences, nos problèmes communs, de mettre en place des actions concertées, d’agir comme un groupe de pression auprès des décideurs. On voulait aussi sortir de ce discours qui dit que les ONG se tirent dans les pattes.




Quand un enfant
naît avec un handicap,
c’est le choc,
les parents perdent
leurs repères.




Et en ce moment, une soixantaine de membres bénéficient de trois ans de formation pointue au sein de cette fédération ?

Nous ne sommes pas que des gentils qui ont du cœur au sein des ONG. Nos membres ont besoin de connaissances professionnelles. Nous voulons qu’on nous reconnaisse le statut d’enseignant, car on fait un métier. Par ailleurs, les personnes qui souffrent de handicap intellectuel peuvent apprendre académiquement, il leur faut une pédagogie adaptée. Nous avons certes reçu des formations ça et là, mais il nous fallait des cours plus poussés. Parallèlement, la Fondation Joseph Lagesse voulait soutenir un projet éducatif et le nôtre les a convaincus.

Concrètement, le cours a commencé en 2006, il dure trois ans. Des formateurs français viennent régulièrement et on fait le suivi des cours, à travers une plate-forme informatique interactive. Le français oral et écrit est inclus dans ce cours, car le personnel qui connaît le terrain doit pouvoir s’exprimer en français, présenter ses projets et apprendre le français à ses élèves.

Handicap mental, intellectuel… tous ces termes veulent dire la même chose ?

On évite le terme handicap mental car cela est associé à la maladie mentale qui elle, est, psychiatrique. Le handicap intellectuel n’est pas une maladie, c’est pour toute la vie et c’est de naissance. Les personnes qui souffrent de ce handicap ont des difficultés à réfléchir, parler, se concentrer, lire et écrire. Elles peuvent aussi avoir du mal à mémoriser des choses compliquées. Et parfois, plusieurs handicaps peuvent y être associés, on parle alors de polyhandicap.

Quelles sont les causes de cette maladie ?

On classe les causes dans trois catégories : avant, autour et pendant la naissance. Le problème peut être anténatal, c’est-à-dire qu’il peut être dû à une maladie infectieuse, un problème génétique, une ingestion de médicaments pendant la grossesse, la consanguinité dans le couple, le syndrome d’alcoolisation fœtal. Parfois, le handicap est néonatal, ce qui signifie que l’enfant manque d’air au moment de l’expulsion et son cerveau n’est pas oxygéné. Les problèmes post-natals comme la jaunisse grave, la méningite sont aussi en cause.

Cela doit être difficile à vivre pour la personne elle-même et pour sa famille ?

C’est plus difficile pour les parents. Avant même qu’un enfant naisse, il a déjà une histoire, on s’imagine comment il va être, etc. Et quand il naît et qu’il a un handicap, c’est le choc, les parents perdent leurs repères. Est-ce qu’il va marcher, parler, aller à l’école ? C’est une grosse blessure et cela peut provoquer un état dépressif chez les parents. Il peut y avoir un sentiment de culpabilité pour la mère, on se met à chercher de quel côté de la famille il y a des antécédents.

Mais souvent, les parents s’attachent à leur enfant qui a un handicap au point de devenir surprotecteurs. Quant à la personne handicapée, elle vivra plus sereinement si autour d’elle on l’aime, on la respecte et on ne l’isole pas. Parfois à l’adolescence, la personne a une prise de conscience de son état et peut déprimer si le regard des autres sur elle est dur. En fait, le plus grand ennemi du handicap, c’est l’ignorance et la peur des autres.

Quelles sont vos aspirations pour les personnes qui souffrent du handicap mental ?

Que l’Etat continue son partenariat avec les ONG. Qu’il s’engage plus, par exemple, en mettant sur pied des écoles spécialisées. Qu’on puisse faire de la recherche en matière de pédagogie.

Qu’il y ait plus de soutien pour la famille. Que la société ait une perception différente. Aujourd’hui, on a les moyens de s’informer, de comprendre que la personne qui a un handicap intellectuel est une personne à part entière avec les mêmes droits. Sauf qu’elle a des besoins particuliers.

Publié dans Témoignages

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