Yssingeaux : porteuse de trisomie 21, elle décroche son CAP

Publié le par octapeh

Vinciane se lève, allume l’ordinateur et se connecte sur le site de l’inspection académique de Clermont-Ferrand. Quelques hésitations avant de trouver la rubrique examens et concours, et enfin la spécialité du CAP « agent polyvalent de restauration» (APR), le temps de cliquer sur l’initiale de son nom, et de voir apparaître à côté de son nom : « admis ». Son visage s’illumine, la joie, la fierté aussi… Rien de plus banal en cette période de l’année, si ce n'est que Vinciane est porteuse de trisomie 21.
Que de chemin parcouru depuis sa naissance à la maternité de la Croix-Rousse à Lyon et le diagnostic de trisomie 21.. La fréquentation de la crèche de la Roue à Rillieux la Pape, de l’école maternelle avec une éducation précoce auprès du service de soins de Trisomie 21 à Vaise. L’arrivée en maternelle à Retournac, la classe d’intégration scolaire (CLIS) à l’école primaire du Val Vert, l’unité pédagogique d’intégration (UPI) de Corsac à Brives Charensac puis celle d’Espaly avant de partir au lycée professionnel de Verrières en Forez dans la Loire pour pouvoir continuer à fréquenter l’école de tous… et enfin la possibilité de préparer un CAP APR au lycée Emmanuel Chabrier à Yssingeaux, avec l’aide de Sandrine Bruyère, auxiliaire de vie scolaire et la découverte au sein de ce lycée d’une équipe mettant tout en œuvre pour compenser le handicap et lui laisser sa chance, depuis le proviseur jusqu’au surveillant en passant par les enseignants et la conseillère principale d’éducation.


« Nous avons tout fait pour qu'elle reste à l’école de tous »
Pas simple, apparemment, « beaucoup de gens bien intentionnés ne vous y encouragent pas », ont pu constater les parents qui, régulièrement, ont dû appuyer pour que la route empruntée par Vinciane soit celle de tout le monde. A chaque étape et dès l’âge de 6 ans, on voulait lui imposer une orientation en établissement spécialisé (IME).
A chaque palier, il a fallu justifier le choix devant les commissions d’orientation, argumenter : "non, nous ne sommes pas dans le déni du handicap, non, nous ne sommes pas utopistes, ni entêtés, non elle n’est pas plus en souffrance à l’école qu’en institution spécialisée… oui, les enfants trisomiques ont des droits, des possibilités, ont sans doute besoin de plus de temps et d'un regard, disons, bienveillant, mais ils ont des capacités", témoignent les parents.
Au fil du temps, ils ont vu Vinciane prendre de l'autonomie, circuler seule, prendre le train, faire ses courses, lire, écrire, compter. La réussite de Vinciane n’est toutefois pas exceptionnelle : les personnes porteuses de trisomie 21 sont de plus en plus nombreuses en France à obtenir des diplômes (CAP, BEP ….) et à accéder à l’emploi en milieu ordinaire.
Certains professionnels leur ont même dit : "mais à quoi ça va lui servir ?", dit la maman en levant les yeux au ciel.


80 % des jeunes trisomiques ont la capacité d'apprendre à lire
Pour ces enfants, la fréquentation du milieu scolaire traditionnel est un facteur déterminant de leur future intégration sociale. Il est maintenant reconnu que 80 % des jeunes trisomiques ont la capacité d'apprendre à lire pour peu que l'on provoque les stimulations adéquates. Selon les parents de Vinciane, il n'y a pas différents degrés de trisomie mais des différences de stimulation, de santé des enfants.  Stimulées et intégrées dans la société ordinaire depuis leur plus jeune âge, les personnes porteuses de trisomie 21 peuvent gagner leur vie et mener une existence pratiquement indépendante.



Ce n’est pas parce qu’on est différent, qu’on va devoir vivre autrement...
"Lorsqu’on leur donne le choix et les moyens de l’exprimer, ces jeunes ne demandent rien de plus que de vivre comme tout le monde. De quel droit déciderions-nous parce qu'une personne est différente que ce serait une barrière pour vivre dans la société ? qu'à cause de cette différence elle serait condamnée à vivre à part des autres une vie en quelque sorte communautaire ? Je pense qu’il faut très jeune se projeter dans le temps, savoir quel avenir on veut pour son enfant", explique la mère de Vinciane.
C’est ce que la loi de 2005 nomme le « projet de vie », l’orientation sera tenue de prendre en compte ce projet de vie et les parents doivent se souvenir qu’ils sont les « décideurs » pour leur enfant comme pour ses frères ou sœurs.
Maintenant Vinciane rêve d’être embauchée dans une cuisine ou une cantine scolaire, plutôt à mi-temps car son handicap la rend un peu plus fatigable et elle sait bien que pour avoir un appartement à elle, il faut d’abord avoir un travail. 



Ils ont dit

François Faure, proviseur du lycée Emmanuel Chabrier à Yssingeaux :
"C’est une belle expérience d’inclusion et de réussite pour le lycée Emmanuel Chabrier, dans une classe de CAP classique, expérience qui servira probablement à d’autres, d’autant que nous avons au sein du lycée en partenariat avec le lycée agricole, une ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) qui accueille des adolescents en situation de handicap. La taille humaine du lycée Emmanuel Chabrier a sans doute facilité cette intégration. C’est aussi l’accueil réservé à Vinciane par toute l’équipe enseignante du lycée Emmanuel Chabrier qui a contribué à cette réussite".

Sandrine Bruyère auxiliaire de vie scolaire :
" C’est la motivation et le désir d’y arriver qui m’ont marquée chez Vinciane. J’étais assise dans la classe à côté d’elle pendant les cours fondamentaux : maths – français – anglais à raison de 15 h par semaine. C’est une élève très organisée dans ses classeurs. Je reformulais des consignes, aidais à la prise de notes quand le cours allait trop vite, une aide nécessaire mais difficile à accepter pour Vinciane au départ qui, comme tous les adolescents revendiquent leur indépendance".


Les parents militent au sein de Trisomie 21 Haute-Loire et de sa fédération Trisomie 21 France qui a pour objectif l’insertion sociale et l’autonomie de la personne porteuse de trisomie 21.
Trisomie 21 Haute-Loire : 04 71 59 24 82 ou geist.hauteloire@laposte.net.

Publié dans Témoignages

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