Travailler avec un handicap, c’est possible !

Publié le par octapeh

Jeunes salariés et associations se mobilisent pour faire tomber les préjugés.

Lorsqu’elle obtient son BEP de secrétariat, puis son bac pro, Patricia est encore une étudiante au cursus des plus classiques. Mais en 1997, tout bascule. Les premiers signes de sa maladie font leur apparition. La jeune femme se retrouve en fauteuil roulant. Déstabilisée par cette pathologie fulgurante, elle suit une rééducation, qui lui permet de se relever moralement et physiquement. Elle peut à nouveau marcher seule, mais à l’aide d’une canne. Sa recherche d’emploi va durer des années. « Les recruteurs ont une réaction de peur face au handicap et craignent l’absentéisme », confie-t-elle.

Loin de se décourager, Patricia s’inscrit il y a trois ans à un job dating, organisé par l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Adapt). Ces rencontres express mettent en contact des employeurs avec des travailleurs handicapés, au cours d’une série d’entretiens de 12 minutes. L’occasion pour chaque candidat de faire valoir ses compétences. La jeune femme décroche plusieurs propositions de stages avant d’être engagée en CDI comme conseillère commerciale dans une banque. En dehors de ses traitements médicaux et de la nécessité d’un fauteuil de bureau adapté à son handicap, Patricia mène la vie ordinaire qu’elle n’espérait plus : « Je suis une salariée à part entière, totalement intégrée à l’équipe ! »

Tous n’ont malheureusement pas cette chance.
Les travailleurs handicapés représentent 6 % des demandeurs d’emploi (environ 250 000 personnes), et leur taux de chômage atteint les 20 %, soit deux fois plus que la moyenne nationale (9,10 %). Ils connaissent, par ailleurs, des périodes d’inactivité deux fois plus longues que la population valide. En cause : un manque de formation – 80 % n’ont pas le niveau bac – et l’inadéquation des compétences aux besoins des entreprises. Les actifs handicapés sont en général moins qualifiés et plus âgés (34 % ont plus de 50 ans, contre 16 % pour l’ensemble des actifs). D’où l’accent mis ces dernières années sur la formation avec Pôle emploi et les conseils régionaux.

« Mais le principal obstacle à l’embauche
de ces personnes vient surtout des mentalités, estime Sophie Cabanes, de l’Adapt. Les employeurs craignent un manque d’efficacité et que la personne handicapée nécessite des soins particuliers préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. » C’est justement pour lutter contre ce type de préjugés qu’a été créé, il y a cinq ans, le programme Handimanagement, sous l’égide de l’organisme de formation Companieros. « Notre projet se fonde sur la conviction que seules la relation aux autres, la reconnaissance de chacun et la contribution à une réalisation collective donnent du sens au travail et améliorent la performance », explique Anne Pénicaut, directrice de ce parcours proposé dans la plupart des grandes écoles de commerce. Son but ? Permettre aux futurs managers de changer leur regard.

La loi devrait aussi les y aider. Depuis 2005, toute entreprise de plus de 20 salariés qui n’emploie pas 6 % de personnes handicapées doit verser à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) une amende de 3 500 à 5 300 € par salarié manquant. Et si aucun handicapé n’a été recruté au cours des trois dernières années, la pénalité est de 13 000 € (1 500 fois le smic horaire) par emploi manquant. Une politique du bâton qui s’est avérée payante : depuis 2006, le nombre d’entreprises qui versent une contribution à l’Agefiph a baissé de 13 %, passant de 58 500 à 50 700.

Trouver sa place dans l’entreprise lorsqu’on est porteur d’un handicap ? C’est possible ! « Mais il s’agit d’un travail de longue haleine », commente Anne Pénicaut, qui reconnaît qu’il existe encore des échecs. « Soit parce que la personne recrutée n’a pas été embauchée selon ses compétences, soit parce que l’équipe n’était pas formée à l’accueillir. » Intégrer une personne handicapée dans une équipe, c’est non seulement prévoir des aménagements de poste ou d’horaires, mais aussi se remettre en question. Diplômée d’HEC et cofondatrice de Companieros, Béatrice de Gourcuff l’affirme : « Donner sa place à la vulnérabilité au sein de l’entreprise, c’est permettre aux autres salariés de reconnaître aussi leurs faiblesses et leurs limites. »

Publié dans Témoignages

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article